#hipHOPE - Après
avoir lu votre biographie, nous savons que vous êtes un rappeur originaire de
la ville de Constantine ayant émigré à Lille, en France, ou vous vous êtes
découvert cette passion pour le rap. Votre retour en Algérie ne vous a pas
freiné dans la réalisation de vos projets. Vous avez fait vos débuts vers les
années 1996. Vous dîtes être passé de « L’égo-trip au Rap Conscient». Pourquoi avoir choisit de
continuer votre carrière en Algérie ? Pouvez-vous nous parler de ce passage au « rap
engagé » ? Et quelles en sont les conséquences ?
#RAOUFBKL - Tout d’abord ce n’est pas moi qui ai choisi de continuer ma carrière en Algérie. On va dire que c’est le coup du sort et le fait que mes parents ont voulu retourner définitivement au bled. A l’époque j’avais 17 ans. Je me suis donc adapté à ma nouvelle vie et j’ai poursuivit mes études ainsi que ma passion pour le R.A.P. Je suis passé de « L’égo-trip au rap conscient » car le changement de décor et de climat, entre l’Algérie et la France m’ont rendu révolté ; un ton soit peu rebelle. Avec tout ce carnage autour de moi, entre el « Hogra » qu’on a vécu avec l’entourage, les administrations et les responsables. Et de là, j’ai vu le fossé qu’il y a entre les deux pays, donc depuis je me sens le porte parole de ma famille ; de mon entourage et je ne cesserai de revendiquer nos droits et depuis ça, je ne fait plus que du rap engagé.
Pour les conséquences, je vous donne l’exemple du titre
« Bled Sabotage » sortie en 2002. Bah franchement, je n’ai rien gagné
de ce titre à part la censure (rires). J’ai notamment failli rentrer en prison
à cause de ce même son. Je me rappelle que j’ai été convoqué par la police et
l’agent m’a dit « faut que t’arrêtes ce putain de poème ». C’est
normal puisque c’est contre l’Etat. Ca incite les jeunes à la révolution et à
la violence. Heureusement que des personnes ont intervenu… Mais ça reste quand
même de bon souvenir. (Rires)
#hipHOPE - C’est clair qu’ils ne veulent
certainement pas que le peuple soit aussi conscient et révolté que votre rap. -
Le 21 Décembre 2012, vous avez fait un passage sur la chaîne Nessma TV ou vous
aviez interprété un mix tiré de l’Album MAZAL paru en 2010. Le titre parle du
sabotage en Algérie mais ce morceau est surtout un message adressé à la
ministre de la culture Khalida Toumi. Quelques années plus tôt, deux de vos
premiers albums ont été censurés.
A
votre avis, y a-t-il une certaine liberté d’expression qui a émergé ? Les
rappeurs de votre envergure trouve-t-il aujourd’hui plus de facilité à dénoncer
le système ? Ou la censure est-t-elle toujours omniprésente ?
#BKL - La chaîne Nessma TV m’a
invité parce qu’à ce moment là, ça faisait déjà 4 ans que je vivais en Tunisie.
J’ai d’ailleurs quelques Feats avec des rappeurs tunisiens tels que Dj Costa. J’ai
aussi enregistré un morceau pour la révolution tunisienne qui passait souvent
sur les ondes tunisiennes. Et comme j’ai beaucoup souffert du sabotage et de la
censure en Algérie. J’en ai profité pour faire passer un message à la ministre
de la culture « Khalida Toumi ». C’était, pour moi, une occasion en
or, d’autant plus que s’est passé en directe. (Rires)
#hipHOPE - et alors finalement, depuis ce temps le message est passé ?
#BKL - C’est toujours la censure et le
sabotage qui me poursuivent. (Rires). Sur les radios Algériennes, la première
des choses qu’ils exigent c’est d’écouter d’abord mes morceaux et la réponse à
souvent été « PAS DE POLITIQUE S.V.P » Et c’est ce qui s’est passé
avec mes deux premiers albums
#hipHOPE - c’est sur. Puis faut dire que sans
internet c’était encore plus dur de se faire entendre à l'époque.
- Dans votre dernier morceau «
yhabouna » sortie début février 2014 accentue ce rap conscient que vous
revendiquez. C’est à dire traiter de ce sujet extrêmement sensible qu’ai le
système politique Algérien. Sur votre page, on a pu lire le statut suivant :
«ECHITTA… La nouvelle mode en Algérie… Waslèt 7ata le Rap Algérien»
Qu’entendez-vous exactement par le terme « Chiyatta » Et à qui cela
fait référence ? Et pourquoi vous associez ce terme au Rap Algérien ?
#BKL - Ah ! Vous l’avez lu. (Rires).
Super ! Bah, dernièrement on a vu pas mal de rappeurs qui utilisait le
rap
algérien comme « Chitta » en défendant et favorisant certains
politiciens. Je parle entre autre du rappeur « Azzou » qui n’en n’ai
pas un, il en a juste profité pour attaquer l’ami qui l’avait fait monter, pour
défendre le premier ministre et nos responsable. Je parle aussi de quelques
Admins des pages de « Rap Algérien », certains d’entre eux banalisent
le rap algérien en partageant les morceaux de leurs entourage ou bien de leurs
amis rappeurs malgré le fait qu’il soit nul. Il y a donc un manque d’objectivité
Je suis de
l’avis de nos confrères tunisiens et d’autres rappeurs Dz, tous
affirment que le Rap Algérien était beaucoup mieux avant, et tout cela, en
écoutant les morceaux partagés par ces derniers dans de grandes page hip hop.
C’est une question de réputation. Il faut refléter une bonne image du Rap Dz
alors qu’aujourd’hui, on ne fait même plus la différence entre le bon et
mauvais puisque tout passe.
#hipHOPE - Et que ce qui les fait dire que le rap était mieux avant ?
#BKL - Avant on faisait du rap dans le respect. On était unis
parce qu’on défendait la même cause. On partageait tout : le Mic, les
instrus, les moyens, les idées, les scènes… On s’entraidait et on se respectait
beaucoup les uns les autres.
#hipHOPE - C'est vrai que les choses ont
beaucoup changé. Vous dîtes, je vous cite : « Vous pouvez me considérer comme
l’ennemi public numéro des responsabilités étatiques malhonnête et voleurs, des
escrocs et des profiteurs de l’état Algérien, de ceux qui causent nos douleurs
et la misère qu’on vit quotidiennement, faut mettre fin à ceux qui profitent
des biens et droits du peuple Algériens »
Est ce dans cet même perspective que
s'inscrit votre prochain album ? A ce propos Pourriez-vous nous en dire plus ?
#BKL - Oui, absolument puisque je suis
toujours dans cette même perspective et je poursuis la même ligne artistique. Engagé
politiquement parlant… Révolté contre eux jusqu’au jour ou ça change. « Je
vis, je vois donc je dis » sinon j’arrêterai carrément.
A propos de mon nouvelle album intitulé «NABDE
ECHARA3E». Il est en préparation depuis l’an dernier, plus que quelques titres
à actualiser et deux Featuring à terminer. Il sera toujours inscrit dans le
genre « hardcore ; engagé socio-polique ». Des instrus
mélancoliques, mélodies souvent triste à la Boom Bap, composé par de bon
Beatmakers Français, Tunisien et Algérien. Des featurings avec de grosse
pointure comme : T.O.X, TAARYK TK,
DEE A LOOPKILLER, DJ COSTA (rappeur tunisien) et avec un rappeur marocain
et un autre français sans oublier des chanteuses comme LADY-B et KARIMA NAYT
#hipHOPE - Justement j'allais y venir, à
propos de vos Featurings. Lorsqu'on écoute vos sons, on remarque que vous avez
collaboré avec des artistes de votre génération et qui, de plus, défendent les
mêmes idées que les vôtres, tel que Fada
Vex ou bien L'Nfect. Comment choisissez-vous vos collaborations ?
#BKL - Oui, c’est tout à fait ça. Je taff
avec les anciens qui n’ont pas lâché l’affaire jusqu'à présent car nous avons
plus de point commun. Des universitaires, cultivés, de bonnes familles, fils de
« zwawla ». (Rires).
#hipHOPE - Une génération de nouveau rappeur a émergé ces
dernières années. Diriez-vous qu’ils sont la relève du Rap Dz de demain? Si
Oui, lesquels ?
#BKL - Je pense que notre génération n’aura jamais de relève
proprement dites. Des Mc’s comme Vex
ou bien Rabah (M.B.S), on en
retrouvera jamais plus, des comme eux. On dit que chacun d’entre eux « KA3BA
WAHDA ». Concernant cette nouvelle génération, la plus part est influencée
par des rappeurs comme Booba et La Fouine. Ils les imitent à mort et ils
oublient que nous sommes des musulmans avant tout et qu’on doit respecter notre
religion et nos traditions…
Les jeunes d’aujourd’hui
associent le rap aux clashs, aux insultes et aux gros mots. Voila ce que leur
textes contiennent et pour eux c’est une force
#hipHOPE - D’accord. A votre avis, est ce que ces
rappeurs seront aussi endurant et passionnés que vous l’êtes, au fil des années
? Et avez-vous des conseils à leur donner ?
#BKL - Bah, la plus part d’entre eux
sont des fans convertit en rappeurs, ce ne sont pas de vrai artistes. Ils n’ont
pas cette musique dans le sang. Ils se donnent à un jeu de rôle, afin d’imiter
nos confrères français. Il y a qu’à regarder un clip ou deux et Hop vous verrez
qu’ils ne sont pas authentiques. Il y a quand même quelques uns qui sortent du
lot mais je ne pense pas qu’ils vont durer longtemps. Rien n’encourage ici.
D’ailleurs, il est impossible d’exercer le rap comme métier, en Algérie. Il y a
pas de gains dans le rap. Et forcément, avec le temps, tu baisses les bras.
#hipHOPE - Justement a votre époque,
vous aviez encore moins de moyens et rien n'encourageait non plus et pourtant
vous êtes toujours là vous… Vous avez quand même tenu le coup. Alors que ce qui vous a motivé à continuer
de faire du Rap ?
#BKL - C’est une question que je me pose
depuis 10 ans surtout que je n’ai rien gagné avec ce rap. Ni argent, ni
célébrité. Même si je ne demande rien mis à part le respect et la
reconnaissance. Mais finalement, c’est le contraire, j’ai perdu beaucoup de
chose comme mon temps, de l’argent, des amis, de la famille, sans compter les
risques que je prends avec mon rap engagé, trop politique, trop directe dans un
système de « hagara » et qui est tout à fait contre la liberté
d’expression et qui peut me condamner à tout moment. Mais il y a un bail que
j’ai su qu’il y a pas d’avenir dans ce domaine c’est pour cela que je l’exerce
comme passion et je me suis reposé sur mes études et mon travail comme
ingénieur d’Etat pour pouvoir vivre et surtout nourrir ma famille
#hipHOPE – Bien, merci
Vous avez
Quelques chose d'autre à ajouter ?
J’ai beaucoup de choses à ajouter… J’aimerai bien que
vous nous aidiez à comprendre et à trouver des solutions quant à la direction
du Rap Algérien. Il y a des trucs qu’on
ne saisi plus du tout, que ce soit moi ou bien mes amis rappeurs anciens. Par
exemple, en suivant les réponses de fans sur des sondages posés sur les grandes
pages de Rap Algérien, comme cette fameuse question qui revient souvent :
« Qu’en dites vous du niveau du Rap Algérien ?». 90% des sondés
répondent que « le Rap Algérien avait un meilleur niveau dans les années
90 ». Ils trouvent qu’il était plus réel, authentique et conscient.
Actuellement, y a plein de gamin qui se permettent de dire n’importe quoi… ils
livrent que des clashs remplis d’insultes et propos à caractère inappropriés.
Et la tu te dis « tiens y a du goût mais ça ne durera jamais
longtemps » et tu fais bien sur la différence visuelle entre les morceaux
posté juste après par la même page qui a fait ce sondage :
1-Le clash de n’importe qu’elle MC
chargé d’insulter, obtient au delà de 100 « j’aime »
commentaires et partages partout et repartages et en quelque jours à peine, tu trouve au delà de 10.000 vues sur Youtube
par exemple.
2- Le morceau conscient, réel et
bien fait d’un rappeur, obtiens entre 20 et 40 «j’aime» max. Très peu de
partage et cette vidéo ne dépassera jamais les 5000 vues sur Youtube et tu peux
vérifier les morceaux des anciens et gros rappeurs algérien.
Et à partir de la, ton cerveau se bloque, tu perds
confiance en toi-même, en eux aussi et t’as envie tout de suite de tout laisser
tomber une bonne fois pour toute. Mais ? Heureusement que la passion pour
cette musique prend le dessus
En tout cas, je vous remercie pour vos réponses et votre
soutien. Je vous souhaite bon courage pour la suite, en attendant votre album.
Et surtout, restez toujours aussi BKL. Pour notre part, on tentera par nos
plumes de faire avancer les mouv’ même si ce n’est qu’à petite échelle. Peace
Mr. BKL
PS: Notre équipe aimerait bien que les auditeurs qui se sentent concernés par les interrogations du rappeur Raouf BKL, exposent leurs point de vue sur le blog ou bien sur notre page Facebook ou celle de BKL
Lien :
https://www.facebook.com/pages/Raouf-BKL-Page-Officielle/278763038807977?fref=ts
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